Pourquoi un tel combat Sun Tzu versus Clausewitz ? Est-ce seulement raisonnable ? N’avions-nous pas dit dans notre précédent billet d’humeur que tout les opposait ?
Et pourtant, à nos yeux cette confrontation a un sens. Les constructions de leurs ouvrages donnent une explication des divergences de stratégies entre le monde du soleil levant et l’Europe.
Honneur au plus vieux : Sun Tzu. Ce nom cache de nombreuses énigmes qui risque de rester irrésolues, à commencer par son existence. Sun Tzu n’existe pas. Ce serait déjà une transformation de Sun Wu. Alors qui est Sun Wu ? Les spécialistes s’accordent sur le fait qu’il serait un puissant chef guerrier. Ouf ! Enfin un point de consensus. Oui mais voilà, se pose maintenant la question de la date de l’ouvrage rédigé par Sun Wu. Les plus optimistes remontent à environ 650 avant Jésus Christ. Traditionnellement on donnait les dates de 500550. Des analyses de textes démontrent que ce serait plutôt 300. Si le même auteur a signé l’original et les additions ultérieures, il fait montre d’une longévité particulièrement impressionnante !
Soyons raisonnable donc. On peut penser qu’un certain Sun Wu ait rédigé les 13 chapitres aux environ de 300 avant Jésus-Christ et que des disciples aient fait des apports ultérieurs.
Concernant Carl Von Clausewitz, la situation est beaucoup plus simple. La paternité de son ouvrage n’est aucunement remise en cause. L’intelligence de son livre réside dans l’analyse pointue des guerres napoléoniennes : qu’est-ce qui a marché, qu’est-ce qui n’a pas marché et pourquoi. La période de rédaction s’étale de 1816 à 1831 date de la mort de l’auteur à 51 ans. L’œuvre est donc inachevée ;
D’un côté, la Chine est son esprit de groupe. Sun Wu a commencé un ouvrage, il est mort, ses disciples prennent le relais, mais finalement c’est toujours Sun Wu qui écrit. On a un peu l’impression d’une longue file derrière le premier qui est prête à le remplacer lorsqu’il tombe pour continuer sans faiblir. C’est peut-être pour cela que le temps ne compte pas de la même manière pour eux que pour nous. C’est peut-être pour cela qu’ils avancent implacablement.
De l’autre l’Europe et son individualisme. Von Clausewitz laisse un livre inachevé qui le restera. Personne ne prendra le relais. D’autres publications traiteront de la stratégie, mais chacun à sa manière, sans réelle unicité ni continuité. A la puissance de la file indienne des premiers, nous opposons une large chaine peu épaisse. Ce second système est plus fragile. Lorsqu’un maillon vient à manquer, le temps de le remplacer et l’ennemi passe.
On retrouve ces traits dans les stratégies économiques des deux entités. On parle fréquemment de produits chinois, beaucoup plus rarement de produits européens. L’unité contre l’individualité. A terme, qui l’emportera ?