La stratégie, c’est pour les stratèges ! » « Et puis moi, de toutes façons, j’ai pas le temps ! » Etc. Ça s’entend, ça peut même se comprendre mais est ce toujours valable et quel risque je prends, voyons ensemble.
Pourquoi 5 clichés ? Bonne question, la stratégie en trimbale tellement à son encontre que 5, c’est bien peu. Mais il faut mettre des limites car lorsque l’on veut fuir un sujet, les arguments sont infinis !
La stratégie sent le soufre ! Il semble même plus facile de convaincre un agnostique de l’existence de Dieu qu’un chef d’entreprise de la nécessité de formaliser et de réviser régulièrement sa stratégie.
Pourquoi 5 clichés ? Parce ces 5 la reviennent régulièrement et curieusement toujours dans le même ordre :
- Ce n’est pas pour moi
- Cela ne sert à rien
- Cela prend trop de temps
- C’est compliqué
- Enfin, cela coute cher.
Nous vous proposons de les examiner un par un.
Au mieux nous vous aurons convaincus du bienfondé de la démarche, de ses avantages et sa rentabilité, au pire nous vous aurons donné les éléments bien étayés pour refuser tout conseil ou apport extérieur. Dans les deux cas vous êtes gagnants à lire cet exposé !
Ce n’est pas pour moi
La stratégie c’est (pour) les autres.
- Personnellement je n’en ai pas besoin. Franchement, vous pensez que depuis le temps que je suis aux commandes de l’entreprise, je ne sais pas ce que je fais ?
- Oui, c’est un peu comme les mauvais conducteurs, c’est toujours les autres.
- Justement, j’ai mon bonus plein, tous mes points sur mon permis. Je n’ai pas de souci de trésorerie et j’ai passé la crise de 2008, les gilets jaunes et maintenant le Covid. Alors oui, j’ose dire que je pilote bien.
- Et vous aviez vu venir tous ces chausse-trappes de la vie de l’entreprise, vous les avez anticipés, évidemment.
- Cela n’a rien à voir ! Personne n’a anticipé les crises !
- C’est justement une faute ! Des crises, il y en a eu par le passé et nous continuerons à en avoir. Ne rien anticiper, ni même se préparer à une éventualité est aujourd’hui un grave manquement !
Mettons-nous d’accord tout de suite. Le conseil en stratégie n’est pas devin !
Il met ses compétences, ses réflexions et un peu de bon sens au service de ses clients.
Evidemment, nous n’avions pas anticipé le Covid à proprement parlé. Cependant nous avions posé la question à un décideur des mesures qu’il pourrait prendre en prévision d’un arrêt de toute activité économique pendant un mois. Il nous a pris pour des fous et s’est abstenu de répondre.
Hier la stratégie n’était pas pour lui. Aujourd’hui ce n’est plus pour lui.
Justement les autres, qu’en pensent-ils ?
Puisque la stratégie c’est pour les autres. Posons-nous deux questions : qui sont les autres et pourquoi c’est pour eux ?
- La stratégie c’est pour la grande entreprises
- Pourquoi ?
- Parce qu’ils ont les moyens de payer et de consacrer du temps à cela.
- Pas vous ?
- Non, et puis cela n’a pas d’intérêt car nous sommes dépendants des grands groupes, donc de leurs stratégies
Effectivement, l’argument est massue ! « Je n’ai pas de stratégie car je compte sur celle de mes clients ». C’est imparable.
Imparable sauf si vos clients ne pensent pas à vous…Ce qui avouons-le arrive assez fréquemment.
Parfois, c’est vrai, ils pensent à vous, mais c’est alors plus pour réduire vos prestations que pour les augmenter.
Bref, l’argument de la stratégie n’est pas pour moi car je dépends de celle de mes clients équivaut à être réduit plus ou moins rapidement à l’esclavagisme puis aux oubliettes.
Cela ne sert à rien
C’est le chaos !
- C’est le chaos ! Le monde est incertain ! Les crises se suivent et se succèdent et sont de plus en plus proches.
- Parfait ! Maintenant que l’on sait cela, que fait-on ?
- Que voulez-vous faire ? A quoi bon se projeter dans l’avenir ? De toute façon si ce n’est pas une crise c’est la loi qui change tout le temps. Dans ces conditions cela ne sert à rien de se projeter.
A cet instant dans la discussion je pense à deux phrases :
- « Mettons un frein à l’immobilisme qui nous pousse vers le précipice » (Binet, Propos irresponsables)
- « Vivons heureux en attendant la mort » (Desproges)
Ne nous leurrons pas, ces gens affichent un faux fatalisme ! Ils espèrent simplement qu’en se laissant pousser au bon gré des vents ils atteindront la destination de leurs rêves secrets.
Justement, en, parlant de vent, Sénèque a bien dit « Il n’est pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ».
Ainsi les persuadés qu’il ne faille rien faire, sont aussi les éternels mécontents car ils perdent toujours.
Ce n’est pas un consultant qui va m’expliquer le métier
- La stratégie ça ne sert à rien, ce n’est pas un consultant ou un conseil qui va m’expliquer mon métier. Je sais ce que je fais et il faut reconnaître que depuis le temps je le fais bien.
- C’est exact. A chacun son métier. Mais la stratégie c’est justement prendre de la hauteur par rapport à la production pour lui assurer un avenir pérenne.
- Vous l’avez dit tout à l’heure, le stratège n’est pas devin. Alors pourquoi s’embêter à imaginer des solutions à des problèmes que l’on ne voit pas venir ?
Soyons bon joueur, c’est un beau retour de manivelle ! L’immobilisme du client a mis K-O le conseil.
Quoique…
En 2019, dans le Grand Est a eu lieu un exercice catastrophe. : Un attentat a été simulé dans une gare avec, pour le plaisir, un sur-attentat ! Comment faire ? Comment porter secours et évacuer les blessés ? C’est comme cela qu’est née l’idée et l’expérimentation du TGV sanitaire. Un TGV normal, pour passager, transformé rapidement en SAMU.
A l’époque, c’était le terrorisme qui primait sur tout. La solution trouvée dans ce cadre a permis de l’exploiter pour décharger les hôpitaux du Grand Est et sauver des vies menacées par le Covid.
C’est cela la stratégie. Prendre un peu de recul, imaginer des scenarii, des solutions et les moyens matériels, financiers et humains à mettre en regard. Si la cause peut varier, les effets sont souvent similaires. L’anticipation paye.
Combien de situations délicates d’entreprises auraient pu être évitées par cette simple réflexion ?
La stratégie, c’est comme une assurance : Ça ne sert jamais à rien avant l’événement. On est content de l’avoir pendant et surtout ça en réduit sensiblement les conséquences après.
Cela prend trop de temps
Débordé par le quotidien
- Réfléchir à la stratégie c’est long, je n’ai pas le temps.
- La nature a horreur du vide. Elle s’acharne à le combler à peine qu’il existe ! Si vous ne faites pas une place, même petite à votre réflexion stratégique, jamais vous n’en aurez.
- Il y a déjà tant de choses que je devrais faire et que je n’ai pas le temps de faire. Le quotidien me bouffe assez comme ça.
- Donc vous travaillez à l’instinct, tout le temps ?
- C’est exactement ça, je bosse à l’instinct.
C’est beau l’instinct ! Le décideur, comme le prédateur dans la savane agit mû par son instinct féroce !
L’instinct et l’intuition sont précieux, n’en doutons pas un instant. Il est même possible de les cultiver pour augmenter leur efficacité.
Mais, les mécanismes ne sont pas encore certains et cela demande beaucoup de temps pour affiner ces compétences ; sans certitude sur le résultat obtenu. (compliqué à comprendre)
Il reste donc que la réflexion, posée et structurée, que propose la stratégie reste le meilleur rapport temps / efficacité pour établir son plan de route à l’avance et être moins débordé.
Encore du boulot en plus !
- La stratégie ? C’est encore du boulot en plus ! Je dois déjà répondre à toutes les contraintes légales, comme par exemple mettre à jour mon document unique, les registres du personnel etc. Bref, des obligations qui peuvent me couter très cher, financièrement et juridiquement. Alors rêvasser au futur…
Rêvasser au futur ! Vlan ! Second round qui met le conseil K-O !
Il y a un paradoxe qui se cache ici. D’un côté, notre interlocuteur se plaint que la stratégie est un boulot en plus, de l’autre il estime que c’est une rêverie, l’antithèse du travail !
En fait, le dirigeant a fondamentalement un problème pour faire des choix, prendre des décisions. Manifestement, il hiérarchise ses priorités en fonction de l’intensité légale. Tout ce qui touche au personnel peut vite avoir de graves conséquences civiles, pénales et financières. Il a raison. Cependant, dans la réalité, il n’est pas sûr que ces points occupent son quotidien. Il y a un décalage entre la hiérarchisation des priorités et l’exécution.
La réflexion stratégique l’aiderait à planifier ses actions en fonctions d’objectifs de risques et de rentabilité, voire à déléguer certaines tâches.
Mais voilà, le chahut de la désorganisation procure un sentiment d’importance, d’indispensabilité que pourrait tuer une organisation plus stratégique. Ce serait bien dommage !
C’est compliqué
Les consultants sont jargoneux
- Un conseil en stratégie ? Si c’est pour écouter un gugusse qui raconte des trucs en « ing » en permanence, ce n’est pas la peine. Ça jargonne à tout va ces gens-là. Finalement on n’y comprend rien.
Ce décideur a dû croiser le même consultant que nous lors d’une soirée réseau. Il expliquait sa méthodologie à la cantonade : « On fait un scanning du working process. A partir de là on brainstorme pour favoriser l’opening mind. C’est la base du finding pour de up grader le branding. Enfin, on prépare le take off pour booster les équipes. Mais avant il faut finir le closing ».
Dans un autre registre, à bien écouter les diatribes des consultants et coaches en tout genre, tout est stratégique : La communication est stratégique, le marketing est stratégique, la vente est stratégique, le management est stratégique, la production est stratégique, l’informatique est stratégique, le site web est stratégique. La stratégie est stratégique. Cet article est stratégique ! La liste est infinie.
Bref, notre décideur a raison. Dans ces conditions, la stratégie embrouille plus qu’elle ne débrouille.
Et pourtant, c’est simple ! Elle tient en quelques questions que tout le monde comprend : Où on va ? Pourquoi ? Comment ? Quand et combien ? Combien le projet coute et combien rapporte-t-il ?
Interesting, no ?
Ce n’est pas mon métier
- La stratégie nécessite des réflexions complexes parce qu’il faut prendre en compte une multitude de paramètres internes, externes, avoir recours à des formules compliquées etc. Non définitivement, ce n’est pas mon métier et vu ce que cela peut m’apporter, je ne vais pas me pencher sur la question.
A chacun son métier, nous l’avons déjà évoqué. Mais, cela n’empêche qu’il y a beaucoup de domaine qui ne sont pas les nôtres et que nous ne pouvons pas ignorer.
Par exemple, vous avez l’obligation de maintenir votre véhicule en ordre normal de marche. Vous n’êtes pas mécanicien, mais vous vous devez d’aller chez votre garagiste pour faire les réparations d’usage ! Tout ce que vous lui demandez c’est qu’elle fonctionne en sécurité.
Eh bien pour le conseil c’est pareil. Le véhicule, c’est l’entreprise et vous. Alors forcément, il vous garde un peu pour faire le tour de la question. Ensuite, il s’occupe des dessous techniques et réfléchit avant de revenir vers vous avec des propositions de solutions.
Le recours à un conseil c’est vous alléger la réflexion, vous débarrasser de la technique tout en conservant le choix de la décision finale.
C’est cher
- Les Conseils vous êtes sympas, mais en fait vous venez vous faire payer le café, vous écoutez à moitié et vous terminez toujours par un « yaka » ou un « faucon ». C’est cher payé pour ça.
Mettons-nous d’accord : Tout ce qui est inutile est cher.
Si vous pensez que de prendre un conseil de temps en temps est inutile, alors vous avez raison, c’est trop cher. Nous vous conseillons de ne pas acheter.
Si vous mettez la perspective de quelques euros dépensés avec l’économie d’une erreur évitée ou mieux d’une décision rentable, la cherté a soudainement disparue au profit de la rentabilité.
Enfin, nous vous promettons que dès que l’on pourra vivre d’amour du métier et d’eau fraiche, nous nous engageons à ne plus faire payer nos prestations ! L’engagement est pris !
Conclusion
Pensez-vous parfois à ce que vous allez faire de votre précieux temps libre ?
Bien sûr puisque justement ce temps est très compté, il faut l’optimiser au maximum.
Cela vaut bien quelques instants de réflexions préalables.
Vous avez raison.
Prenez-vous parfois le temps de prendre un café, de déjeuner avec des amis, des proches ?
Bien sûr, c’est la base de toute relation humaine, de notre société. Et après l’épisode de confinement que nous avons subi, c’est tellement bon.
Vous avez raison.
Vous payez même des cours particuliers à vos enfants pour renforcer leurs chances de réussite dans l’avenir. Vous agissez en parents responsables, un peu inquiets et soucieux du bien-être de vos progénitures.
Vous avez raison.
Et vous ne faites rien de tout cela pour votre entreprise, votre outil de travail qui est aussi votre source de revenu et votre patrimoine ?
Vous ne prenez pas le temps de réfléchir à l’avenir de votre entreprise ? Vous ne prenez pas la peine d’échanger avec un tiers de confiance ?
Là, j’avoue, je ne vous comprends pas.
Mais vous avez raison.
Réfléchir à la stratégie de votre entreprise, prend du temps, cela ne sert à rien, c’est compliqué ou dérangeant et ça coute des sous !
D’autant qu’à écouter les uns, c’est le chaos, une accélération permanente ingérable qui rend toute décision caduque avant même qu’elle ait été prise ; à écouter les autres si votre ramage se rapporte à votre plumage, vous êtes le phénix des hôtes de cette zone industrielle !
Alors, vous avez raison, à quoi bon se projeter, tirer des plans sur la comète ?
Reste qu’il ne faudrait pas que honteux et confus, vous juriez, mais un peu tard que l’on ne vous y reprendra plus.